Cher M. Brun,
Cette année tu avais pris cette décision qui nous fit tant mal à l'âme mais que nous respectons,
tu avais décidé de lâcher ton rôle de cadreur dans notre
roadmouvigne quasi-annuel et pourtant, le cadrage, dès que
bacchus s'emmêle les grappes, tudieu que c'est important !
Nous voilà
donc partis (ma pomme, JJ et Eugénie) pour la Gascogne la plus exotique pour nous, gens du Sud
du Sud, et pourtant si en odeur de multitude grâce notamment à
Edmond le Rostand, j'ai nommé Bergerac.
Piqué de quelques nuages, avec une
légère ventole pour les bousculer, le ciel était le plus délectable
des compagnons faisant presque s'éparpiller ton absence. On ne
t'oubliait pourtant pas puisque nous tombâmes en arrêt du côté
d'une aire de toute beauté qui pourrait à merveille accueillir la
confrérie de campinguecareux dont
tu fais partie et qui, si je ne m'abuse, peut se vanter d'avoir
toujours une roue d'avance sur les autres...J'me comprends.
C'est après
quelques vicissitudes de parcours que nous débarquâmes chez
Grégoire Rousseau à Garsac-de-Curson.
Le vigneron t'aurait enchanté
( il en fut de même pour nous autres) avec son aplomb bien trempé
mais jamais arrogant, simple, proche d'une terre qu'il aime et donne
envie d'aimer.
De beaux merlots...
...cabernets...
...quelques ares de sémillon...
...et bientôt de sauvignon...
Tout ce beau monde croît ici avec opulence, santé,
vie, plaisir et qualité.
Les vestiges d'un esclavage chimique perpétué
par les anciens propriétaires des rangs de vigne sont encore là
mais anecdotiques...
...Grégoire passant à la refertilisation des sols
avec conviction et par là-même de 4 à 9 hectares. Certains rangs
sont longs comme des jours sans miche et on imagine le travail.
Grégoire, lui, ne l'imagine pas, ses mains en parlent, le
concrétisent.
La dégustation fut
large, sous l'arbre, en mode pow pow d'amateurs de vins d'vie et de
chère à canons de la maison Laguerre de Pessac et dont tu connais
les tenants (jambonneau, boudin, grenier médocain, gratton, magret
séché, fromages...) et les aboutissants ( miam !).
Toutes les cuvées, "Lilas", "Tombé du ciel" (en 2013 Grégoire a tout perdu because
la grêle et il a trouvé des raisins chez ses amis), "Zeste de Coquelicot" en rouge, puis "Sac de billes", en pétillant naturel, ont chamarré
nos gosiers et posé du plaisir dans nos papilles rendues à la
palette de l'instant, discussion qui roule, heure qui tourne et
nonobstant, on a l'impression que c'est un suspens qu'on vient de
vivre. Tu connais cela aussi bien que nous.
Après avoir mis au
coffre quelques dives qui nous seront précieuses pour la paella
campera dominicale ( ah les cagouilles d'Eugénie, l'arroz bomba de
JJ, le bouillon de mézigue, le lapin fermier qui trottait encore
dans la paella) nous filâmes là où chacun rêve un jour d'arriver.
A Pomport. Chez Barouillet.
Comme, à l'instar de Sébastien Barrier, il faut toujours savoir qui nous buvons, je te présente le binôme
qui nous accueillit dans un hameau où tout semble converger vers la
vigne et ses bienfaits. Aux manettes, mais issu de trois générations
de vignerons, Vincent Alexis escortée joliment par sa compagne Margaux. Ici tout respire la solidité, l'histoire, le terroir
accompli.
...
40 hectares et tout en "biody" ! Ce qui semble
gageure est vite confirmé sur le terrain : les herbes sont belles,
les ceps pétent la santé, la fleur est guillerette, les sols à la
fête, la faune itou. Y'a dl'a joie de vivre.
Impeccable. Au chai, Alexis est précis. Mais
sur la base de cette solidité héritée et bien intégrée il a
décidé de monter un projet où la recherche, le tâtonnement, la
curiosité s'allient au plaisir d'aller plus loin ou ailleurs. Il y a
là dans une cuve un blanc qu'il travaille et qu'il chérit. On
goûte. C'est grand, c'est parfait pour la salinité de produits dont
on trouve les traces dans les schistes fossiles à l'entour, huîtres,
moules, bigorneaux, coques, palourdes,
coquinas... plus loin
des petits totems orangés et ovoïdes accueillent les dernières
élucubrations du domaine Barouillet. C'est une belle tentative
d'Alexis de travailler ses raisins autrement tout en les respectant
au maximum. C'est propre, c'est maîtrisé. Le grain de folie c'est
lui qui l'amène et ça, ça vaut toutes les levures exogènes du
monde, les renvoie même aux manipulations dépassées, ringardes,
sans avenir. L'expérience des oenologies du futur peut se vivre à
travers seulement du raisin et encore du raisin, sain, naturel.
On a tout goûté,
tu nous connais...
...
...
...
...ah ! Les
AOP aussi actives que le NKVD c'est chouette !...
...
...c'était quand la dernière fois que tu as goûté de si beaux "Pécharmant" ?...
...
...
...
...et toi qui a le bec sucré tu aurais sans nul doute succombé à cet "Apicula", sucré, certes, mais jamais lourd, très frais, un rien oxydé, superbe !
Je devais cracher mais j'ai eu
une pensée pour toi. Il fallait que j'aille jusqu'au bout pour te
raconter le plaisir du vin qui finit jusque dans nos plus petites
cellules, en molécules d'ivresse pour donner le tournis à nos
rigidités, nos petitesses, nos pensées étriquées. Il fallait que
tel Cyrano nous emportassions "malgré nous quelque chose sans
un pli, sans une tache, du panache". Ce fut fait et ce panache
que les vignerons nous ont offert je le partage en te dédiant ces
quelques lignes, ami. Puisse l'an qui vient te voir rejoindre notre
corps de balades.
Bien à toi.
PS : Tu as aussi manqué la salade de premières tomates de Marmande...
...la paëlla "campera" citée plus haut, l'unique, la vraie...
...et la sieste.
Domaine "Coquelicot" :
ici
Domaine "Barrouillet" :
ici