Minuit. Eugénie n'est pas là. Elle
aurait dû venir. Mais bon, les affres du quotidien. Il faut quand même
que je lui trouve des étrennes...
En attendant, la Puerta del Sol est de mise avec ses 12 grains de raisin à gober en guise de carillon collectif. Comme on est sur les ondes un peu avant le premier cuarto,
se distingue la trille de fanfreluche qui vibrionne gracieusement dans la
gorge de la commis de service pour TVE. J'imagine la peau de ses épaules
dégagées, le Codorniu dans ses yeux qui fait glisser les balivernes.
Un
bruit de foule presse sa prose.
Là où on s'indignait, on piétine. Le
retour au réel c'est dans peu pourtant, mais ce sont toujours des temps
tels celui-ci, ces suspensions au bord de quelque chose qui font penser à
l'éternité. Comme les nano secondes avant de mettre son nez dans un
verre de vin.
"Atencion, senoras y senores ! Empezamos ! ...dong...uno...dong...dos... "
Il
n'y a pas à dire, croquer cette matière première apporte une belle façon
de passer le gué à qui se dit amateur de "grand soif", identique à
celle qui affleure si bien dans le titre de
l'essai de Pascal Commère sur
André Frénaud et qui me donne désir soudain de relire quelque chose de lui, de Frénaud, un texte de circonstance par exemple :
" C'est aujourd'hui ! Nous le partageons en un banquet,
Sur de hautes tables avec des litres.
Le monde est en liesse, buvons et croyons !
Je bois à la joie du peuple, au droit de l'Homme
De croire à la joie au moins une fois l'an.
A l'iris tricolore de l'oeil apparaissant
Entre les grandes paupières de l'angoisse.
A la douceur précaire, à l'illusion de l'Amour. "
(in "Soleil irréductible" / Editions Gallimard)
Du
coup, c'est un vrai plaisir de savoir que vous allez réciter, Chère
Eugénie, ce cadeau du poète qui sera aussi le mien, en offrant à tremper
votre première lèvre d'ivresse dans un beau ballon de Bourgueil, du
Domaine du Bel Air, judicieusement baptisé "Jour de Soif"...
...
...
A l'An qui vient !