mercredi 3 avril 2013

Lettres à soif (15)

Des fois, l'envie de boire. Un coup de sec à terre. On est le nez dans un livre, un journal, une missive, une blague carambar et paf. Le pif, l'envie.  Les mots lus déclenchent un estey de salive. Quasiment requis. Les mots donnent soif. Vous n'avez jamais remarqué ? On tient un fil, on se dit : oui , c'est ça, c'est superbe, désopilant, cataclysmique. Ou pathétique. L'amorce importe, dame !  mais se noie dans cette envie précise : boire un coup. Pourquoi ? Pour sortir de l'impasse clairvoyante qui tourmente nos sens. Il nous faut un compagnon pour flanquer la prose, la saillie, l'éclair de génie de la langue, du raisonnement, des pieds dans le tapis ou de la folie des langages. Si c'est précis, tendu, sans entour, sans aucune trace de plume traînant dans les épines, on pense au vin blanc. l'envie de rouge est moins impératif. Le blanc c'est : vite ! L'ablette des méninges frétille dans la nasse du grand questionnement. On a une touche à suivre, c'est dans l'eau joyeuse et on plongerait pour la saisir, ce pesquit qui frétille derrière nos yeux. Oui, oh oui, c'est ça, ce raisonnement, ce vers, ce rythme, ce couac : une épiphanie ! Si on a déjà un verre -assis sur la terrasse un dimanche où tout s'est assoupi- le vent léger permet de tenir la page et s'arc-bouter sur cette envie de chantourner le chapitre, de toucher au foie le paragraphe. Boire et lire sont des arithmétiques de combats. Et même, si on aime pugiler frénétiquement nos neurones avec la palpation complice du vin, quand on tombe sur la phrase qui fait mouche vers la cime ou l'abîme, alors : le désir de mettre son âme sous une douche de raisin vivant devient présent de l'impératif. Du blanc pour l'impératif ! Pour le subjonctif de la digestion le rouge conviendra mieux, un rouge en ruban, un rouge qu'on déplie. Le blanc est irréductible. Le blanc ne cherche pas, il n'opère pas. Il griffe. Comme un chat. Un Chablis...


...vendangé, élevé et mis en bouteille par "Le Vendangeur Masqué".


Et j'ai lu quoi pour écrire cela ? Ceci :

"Ils ont dans la cervelle une goutte de vin, une fantaisie. Ça les mène à bien ou à mal, à droite ou à gauche, mais toujours un peu autre part que la grand'route." 
( Marie Noëlle / Le cru d'Auxerre ).

Allez, ayez grand soif !

4 commentaires:

  1. Ah le Chablis, mon ludo!
    un jour peut être je te raconterai une anecdote mienne d'un arrêt à Chablis, retour de Lyon en déplacement professionnel dans les années 70. Dios mio!

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  2. Chulo : une table, des verres, une bouteille, je suis tout ouïe.
    Mâme Eugénie : c'est qui que quoi dont où ce "vendangeur masqué". le bizarre ok, mais là...un vigneron qui surgit au galop ?
    la bise les nyctalopes.

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  3. "Le Vendangeur Masqué" c'est Alice et Olivier de Moor...du très très très bon...

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  4. aaahhh ! De Moor, j'en ai bu au -feu- le Verretigo. c'est délicieux. mais c'était sous leur blaze. ça et le bouzeron de A. et P. de Villaine c'était top.

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